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— Et quel air avait-il… la dernière fois ?…

— L’air d’un homme désespéré, que rien ne raccroche plus à la vie… Le lendemain de notre dernière rencontre, il m’a écrit une lettre délirante, incompréhensible… Il me semble que je comprends mieux maintenant.

— Léo ! Où vas-tu ?… Ne me laisse pas, je t’en supplie.

— Je vais chez lui… voir…

— Oui, c’est vrai, tu as raison… Va, dépêche-toi… Tu reviendras me dire ? Je t’attendrai toute la nuit, s’il le faut.

— Je reviendrai.

Seule, serrant sa figure dans ses mains, Jacqueline essayait de se défendre contre la circulation de terreur et de souffrance partout sensible, que faisait en elle le mouvement même de la vie. Des images effroyables et désordonnées se bousculaient devant ses yeux clos. Elle n’osait pas respirer profondément, dans la peur d’être obligée de rejeter son souffle en cris. Des souvenirs lui éclataient dans la tête comme des détonations blessantes. Un soir déjà, elle s’était occupée à bâtir un roman où Erik criminel mourait sur un échafaud, avec la pensée d’elle visible dans son regard. La honte d’avoir laissé sa fantaisie jouer sur ces atrocités la secouait d’un frisson nerveux, et, dans une épouvante puérile, elle se disait que, si une telle chose advenait, ce serait parce qu’elle avait eu cet abominable et pervers amusement à l’imaginer. Cela arrivait donc, des horreurs semblables ! Cet homme dont elle avait senti les lèvres sur les siennes avait tué peut-être, était prisonnier, allait mourir d’une mort hideuse et