Page:Vontade - La Lueur sur la cime.pdf/289

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pendant un moment le silence fut déchiré par la voix hâtive et rude du marchand de journaux qui passait en courant et dont la clameur s’affaiblissait graduellement dans la paix de l’avenue déserte.

— As-tu entendu ? demanda mademoiselle Barozzi.

— Mal… Il a dit : « assassinat », puis autre chose, je ne sais pas quoi.

— Moi non plus. Si tu envoyais acheter le journal ?

— Sonne, là, près de la glace. Ça t’intéresse, toi, les crimes ?

— Oh ! pas autrement.

— Faites acheter le journal qu’on crie en bas, dit Jacqueline au valet de pied qui entra.

La porte fermée, elle reprit :

— Tu ne m’as pas expliqué ces tendances de monsieur Hansen, qu’il ne comprend pas lui-même…

— C’est un sentimental, dit Léonora distraitement et comme si le sujet l’eût ennuyée, un passionné, un cérébral. Il s’est imaginé, parce que ses rêves affectaient plus la forme de l’idée que celle de la sensation, qu’il était apte à vivre d’idées pures… Il se trompe. Il lui fallait une femme douce et tendre, assez docile pour ne pas déformer la chimère qu’il aurait bâtie à son sujet : il aurait été prodigieusement mélancolique et parfaitement heureux.

— Il n’est pas heureux ?

— Ah ! non !

— J’aimerais le voir avant mon départ pour Blancheroche.

— Quand pars-tu ?

— Dans huit ou dix jours.

— Eh bien, je lui écrirai. Vous pourrez vous ren-