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— Ah ! dit Jacqueline.

Et elle se remit à marcher par la pièce.

Elle avait si bien su que c’était ce nom-là qu’il allait prononcer ! Pourtant son cœur demeurait suspendu, d’en avoir entendu les syllabes. La chaîne occulte qui noue les événements lui apparaissait soudain ; elle eut l’angoisse peureuse du destin, devenu visible pour un moment. La coïncidence n’avait en soi rien d’extraordinaire ; c’était Léonora qui l’envoyait chez la mère Gambier. Léonora connaissait, sans doute, la misère de la vieille femme par Erik à qui Roustan l’avait signalée. Tout cela était simple ; cependant quelle combinaison singulière dans les faits ! Si l’attention de Roustan s’était fixée sur elle, n’était-ce pas parce que, à ce moment précis où il l’avait croisée, la pensée d’Érik l’emplissait tout entière ? Ainsi elle entendait pour la première fois depuis plus d’un an parler d’Erik parce que Marken en la troublant avec sa colère, — et son amour peut-être, — l’avait rejetée vers ces images à demi oubliées. Il lui parut qu’elle était comme un terrain de lutte où ces deux hommes allaient s’attaquer et où l’un devait vaincre l’autre. Mais lequel ? Et quelle force étrange la contraignait ?

Elle sentit l’examen de Roustan peser sur son silence ; parlant vite, elle reprit l’entretien, acheva ses indications charitables, donna son nom, dit où elle demeurait afin que le restaurateur pût lui faire chaque mois parvenir ses notes. Tandis que Roustan écrivait au fusain l’adresse sur une feuille de papier Ingres qui traînait sur la table à modèle, Jacqueline revint à la photographie du Mercure. Elle était bien exactement pareille à celle qui était épinglée au mur,