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Elle sortit, et fit quelques pas indécis dans le couloir. Le peintre avait laissé sa porte ouverte, ainsi qu’il l’avait annoncé. Jacqueline appela :

— Monsieur Roustan ?

Il parut aussitôt.

– J’ai un service à vous demander, dit-elle en souriant d’un air de moquerie.

– Ne voulez-vous pas entrer ?

— Pourquoi pas, après tout ?

Elle entra dans l’atelier, dont Roustan ferma la porte.

Tout en lui expliquant qu’elle attendait de lui, qu’il voulût bien faire marché avec un gargotier du voisinage afin que la mère Gambier eût à manger deux fois par jour, Jacqueline allait et venait, examinant les études.

La pièce était nue, triste et propre. On n’y voyait que l’inévitable divan, la table à modèle, trois chaises, quelques chevalets encroûtés de taches de couleur et une grande quantité d’esquisses. Jacqueline s’était trop promenée dans les musées, pour ne pas découvrir l’accent vif d’une grande nature de peintre dans les ébauches qu’elle regardait. Les dessins de Roustan d’un caractère schématique, brusque, appuyé cruellement aux points significatifs de la forme dégageaient un style violent. On sentait là un rude don caricatural. Des têtes de filles à maquillages brutaux, à l’expression vide et fixe, des nus d’une rigoureuse vérité et d’une misère poignante avaient de la puissance ; et l’excès même du réalisme y devenait presque lyrique. Elle admira que la probité du dessin s’enchantât des colorations fines, subtilement accor-