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La journée d’été surchauffait l’infâme atmosphère de la chambre ; Jacqueline était proche de la nausée ; le découragement, qu’elle trouvait si souvent dans ses visites de charité, lui inspira l’envie de mettre de l’argent sur la table et de s’en aller très vite. Mais, dans un de ses mouvements désordonnés, la vieille fit basculer un tas d’innomables chiffons ; quelque chose tomba sur le carreau, avec un bruit de verre cassé, et l’odeur d’alcool régna despotiquement sur toutes les autres puanteurs.

Les taches hectiques de ses joues avivées par la confusion, se lamentant, enchaînant des mensonges malhabiles, la pauvresse ramassa ses débris de litre et, en tenant le fond devant la lumière de la tabatière, regarda, la figure désolée, s’il n’y restait pas un peu d’eau-de-vie. Jacqueline examinait la loque lamentable qu’était cette vieille femme et se demandait au nom de quoi on pouvait interdire à un tel être d’abréger un peu sa souffrance et d’éclairer son abjection dans l’illusion heureuse de l’ivresse. Qui donc se sent le droit de décréter qu’il est bon pour le miséreux de garder constant et lucide le sentiment de la misère, lorsqu’il a le moyen d’y échapper pour un instant ?

— Écoutez, dit-elle doucement, je payerai vos deux derniers termes et celui qui vient aussi. Et puis je vais m’occuper de vous faire admettre dans un asile où vous serez bien soignée.

— Un asile ! Eh ben ! Pourquoi pas en prison, pendant que vous y êtes ? grogna la voix grasse et furieuse de la mère Gambier. Un asile ! Si c’est ça que vous voulez faire pour moi, vous pouvez bien vous