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mélancolique, et, dans la circonstance, tout prêt à agiter les plus sombres idées… Quel inconvénient y a-t-il à ce que je vous parle ? Supposons qu’on m’ait présenté à vous dans un salon, vous trouveriez ça tout simple… Je vous vois venir : vous allez me dire que je ne vais pas dans les salons… Mais j’irai, madame, je viens de décider ça irrévocablement… Quant à la présentation, ma sympathique concierge — avez-vous remarqué la forme de son nez ? — a bien voulu s’en charger. Vous savez mon nom, mon adresse, que j’ai une mère, que je me conduis bien puisqu’elle m’écrit, et que je dîne ce soir au Chalet du Cycle. J’ajouterai, pour ne pas faire de vains mystères, que j’exerce le métier de peintre, élève de Bonnat ; un chic monsieur, soit dit en passant ! Nous avons, vous et moi, les mêmes pauvres… C’est-à-dire que dix ans de fréquentation mondaine ne vous en auraient pas appris davantage sur mon compte !

— C’est bien possible ; mais, comme je n’ai pas la curiosité des détails de votre vie, ni aucun désir de continuer cette conversation, je vous serai particulièrement obligée de vouloir me laisser tranquille, dit Jacqueline.

Et elle reprit l’ascension de l’escalier.

— Alors ça va finir comme ça ? fit Roustan d’un ton adéquat à la complexion mélancolique qu’il s’était attribuée. Je ne saurai jamais qui vous êtes, et je ne vous reverrai jamais ? Madame, ça, c’est des choses impossibles, il faut que vous vous en rendiez compte. D’abord, je vais vous dire… en vous apercevant, j’ai eu un pressentiment… Vous me croirez si vous voulez, mais je n’ai pas l’habitude de suivre les femmes