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compagnie, désireux seulement, du moins il l’affirmait, de contempler quelques moments encore le plus admirable visage de femme qu’il eût jamais aperçu.

Jacqueline ne répondit pas et, le fiacre s’étant rangé au bord du trottoir, elle y monta en disant :

— 12, rue Monsieur-le-Prince.

Sa stupeur fut vive de voir son admirateur sauter sur le siège avec une agilité d’acrobate et s’asseoir à côté du cocher, qui fouetta son cheval sans témoigner d’être sensible à l’étrangeté de l’occurrence.

C’était, décidément, une journée où les incidents se refusaient à toute correction. Jacqueline avait une trop grande crainte du ridicule pour entamer une discussion avec ce burlesque personnage. Elle se félicita qu’il n’eût pas choisi de monter à côté d’elle et attendit les événements, un peu amusée, et agacée aussi. Heureusement, Paris est vide à la fin de juillet, et il n’y avait guère de chances qu’elle rencontrât quelqu’une de ses relations, à qui, dans la suite, il aurait peut-être fallu expliquer pourquoi elle se promenait avec ce peintre. Car elle décida que c’était un peintre. Pour avoir une cravate aussi anormale, ce gilet d’escrime boutonné jusqu’à la gorge et ce pantalon de charpentier, il ne pouvait être qu’un élève des Beaux-Arts. Elle fut satisfaite de constater qu’elle devenait indifférente à l’opinion publique ; un an plus tôt, cette sotte aventure l’eût effarée ; maintenant, de plus en plus elle en percevait le comique sans conséquence ; elle se sentit plus libre et cela la mit de bonne humeur. La voiture n’avait pas fait cent mètres que déjà elle prolongeait l’anecdote en événements imaginaires. Quand elle arriva rue Monsieur-le-Prince, elle en était