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elle se sentait une impatience singulière, et de nouveau cette attente qui avait troublé son sommeil et raccourci ses journées pendant une période. Chose étrange, depuis que Marken lui avait ainsi remué les nerfs, elle ne pouvait détacher sa pensée d’Erik et il revenait de l’oubli, traînant avec soi un remords confus. Elle avait honte d’avoir été si lâche, car c’est là le terme qui convenait seul à la peur de lui qu’elle avait eue après ce jour où elle était allée le trouver. Même, elle s’en souvenait, l’émotion si vive que lui avait donnée l’annonce de son départ comportait un soulagement, l’impression d’une délivrance. C’est de cela qu’elle était humiliée, et elle souhaita le revoir, lui parler, lui dire combien elle restait son amie, et aussi qu’elle était mieux digne qu’il l’aimât. Mais l’aimait-il encore ? Elle s’apercevait, depuis quelque temps, que dans le monde on lui faisait moins la cour. Pourquoi ? Parce qu’elle laissait deviner son indifférence ou sa lassitude. Sans doute elle n’avait d’autre moyen de plaire que son désir de plaire, puisqu’il avait suffi qu’elle y renonçât pour n’être plus entourée de cette atmosphère d’amour qui lui était nécessaire jadis… Jadis, il y avait deux ans ! C’était mieux ainsi, probablement plus digne d’elle, plus conforme à cet idéal que Léonora lui avait donné le goût de rechercher.

Elle s’enfonça dans une incroyable détresse en se répétant, une fois de plus, que sa vie était finie, que bientôt elle aurait des cheveux blancs, et que tout lui était égal, oh ! si égal ! Puis elle se détourna du spectacle désolant de sa destinée close, pour songer à Marken… « Caliban n’a pas de bonnes façons… »