Page:Vontade - La Lueur sur la cime.pdf/264

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’est de leur manque de liberté en face des circonstances que viennent la dégradation, le ridicule qui suscitent le rire… Je ne prends aucun plaisir à sentir vivre en moi le pauvre homme qui court en caleçon poursuivi par sa belle-mère, ni le mari verbeux dans le dos duquel les amants s’embrassent. Je veux bien être le fou Hamlet ou Macbeth l’assassin, mais pas l’éternel cocu du Palais-Royal… En somme, je n’ai peut-être pas le sens du théâtre, le vrai, le seul, qui est un goût de cruauté. Jadis on allait voir saigner et mourir dans le cirque ; maintenant on va chercher une jouissance dans la détresse ou le ridicule des personnages et de soi-même qui les contient pour un moment. Je ne sais si vous pensez comme moi là-dessus ?…

— S’il vous plaît, à quel propos cette conférence ?

— Mais, pour causer, madame, pour causer uniquement. Lorsque deux personnes indifférentes se rencontrent et sont dans l’obligation de passer ensemble quelques instants, n’est-il pas convenable et obligatoire qu’elles parlent de choses de théâtre ?

Jacqueline se leva :

— Rien ne nous oblige à demeurer ensemble, dit-elle, la tête dressée et le ton coupant. Vous voudrez bien exprimer à madame Marken mes vœux de prompt rétablissement.

Pour gagner la porte, elle dut passer devant Marken, dont la figure était de nouveau envahie par ce ton d’un rouge sombre qui la changeait. Une veine soudainement grossie traversait son front. Ce visage ramena dans les nerfs de Jacqueline la petite sensation d’inquiétude avertisseuse qu’elle avait eue la pre-