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les petites choses aussi éperdument que les plus grandes. Jamais je n’entreprends rien, sans l’arrière-pensée de faire le sacrifice de ma vie plutôt que de renoncer. C’est, sans doute, pour cela que la résistance des autres cède toujours devant moi. On n’est vaincu que lorsque l’acharnement à vivre rend prudent et débile. Or moi, je ne tiens à la vie qu’à condition que les événements prennent la forme de mon vouloir. Subir, ce n’est pas vivre… Qu’importe de mourir pour l’objet le plus mince, si on l’a un moment désiré ?

— Vous subissez pourtant… Vous avez dit tout à l’heure que vous deviez parfois vous humilier.

— C’est la dîme payée au destin, ensuite la voie est libre… et on passe ! Mais je crains bien de vous avoir excédée, madame, en parlant ainsi de moi… Il le fallait, il fallait que vous me connussiez… Je voudrais tant être votre ami !

— C’est un point où vous vous rencontrez avec madame Marken : elle m’exprimait tout à l’heure le même bienveillant désir… Je suis flattée, croyez-le.

Marken, qui s’était assis près d’elle, se leva si brusquement que sa chaise tomba. Il se courba pour la ramasser ; le sang lui était monté aux joues et le ton de brique de son visage habituellement pâle en aggravait le caractère, d’une sauvagerie presque effrayante.

— La leçon est bonne, elle suffira, fit-il en essayant de sourire.

— Qu’avez-vous ?

— J’ai, madame, un orgueil que vous ne soupçonnez pas, trompée sans doute par l’humilité que j’ai jusqu’ici gardée devant vous ; je n’oublierai jamais que vous n’avez trouvé que cette pauvre ironie pour