la jeunesse universelle eût gonflé mes muscles et fait ma poitrine trop étroite pour mon souffle. C’était un vertige… la certitude d’être toute proche d’un grand destin.
— Et en guise de destin tu m’as rencontrée ! médiocre affaire… Du reste, j’avais tort de dire que tu es la même qu’autrefois ! Je ne te connaissais pas tant de lyrisme. Est-ce le mariage qui a produit ce somptueux résultat ?
— Je ne sais pas. Je ne sais rien de moi aujourd’hui. Même, je me demande si j’en ai jamais rien su.
— C’est l’irritation chromatique. Le vieux sorcier sensuel savait comment s’y prendre pour affoler les sensibilités. Tu l’adores, naturellement ?
— Qui, Wagner ? Oh ! oui ! Il fait surgir de moi des forces secrètes. C’est un tel maître de l’énergie !
— Non ! un professeur de désir, ce qui est bien différent. Tu te laisses prendre à ses trucs, pauvre Jacques ! Et ce benêt de Siegfried t’enchante, naturellement ?
— Un benêt, Siegfried !… Tout l’héroïsme de la joie, la magnification du vouloir libéré…
– C’est une petite brute qui court vers son plaisir en gesticulant, riposta mademoiselle Barozzi, avec un demi-sourire qui découvrit ses dents pures, parfaitement régulières, à l’exception des canines dont la saillie donnait un peu de férocité à sa figure de médaille syracusaine.
— Voilà des gens qui te cherchent. Qui est-ce ? ajouta-t-elle, coupant la réponse de Jacqueline.
Obéissant au geste d’indication que faisait Léonora, madame des Moustiers se retourna :