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pas assez. Ne devrais-je pas vous montrer les grandes lignes de mon existence afin que vous sachiez s’il vous convient de continuer à me rendre mon salut ?

— Oui, cela me paraît indiqué par ce commencement de confidence, mais vous voudrez bien remarquer que je ne l’ai pas sollicité.

— Oh ! naturellement. Je n’ai pas l’espoir de vous intéresser ; c’est pour moi-même que je vous renseignerai, parce que j’ai usé toute ma patience sur votre mépris sans raison précise, et que ce sera un agrément pour moi d’être méprisé à cause de ce que je suis vraiment.

— Je vous écoute, dit Jacqueline, en mettant un coussin à son épaule.

— Les biographes commencent toujours par des indications sur la famille du héros, n’est-ce pas ? fit Marken, qui s’était levé et marchait par la pièce en déplaçant sur son passage les objets qui encombraient les tables et les étagères. Ma famille, c’est ceci : un Hongrois chez qui la sauvagerie primitive était restée sous les allures de mondain et de courtisan, et une gitane ramassée par lui, Dieu sait où, dans quelque campement où sa tribu grattait du violon, racommodait des chaudrons et volait des poules : c’est à ça que s’occupe, vous le savez, cette branche de mes ancêtres. La gitane que je n’ai point connue, car elle est morte de ma naissance, avait été pour mon père une cause de brouille avec sa famille. C’est la sorte de chose que personne ne fait, là-bas, qu’installer chez soi et traiter en dame une fille de cette race. Mais il l’aimait, je suppose ; on m’a dit qu’après sa mort il avait eu la tête détraquée pendant assez longtemps, et, d’après ce que