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le croire. On a eu raison de vous dire que j’étais capable de tout : rien n’est trop beau ou trop hideux pour que je le réalise s’il me plaît, et rien ne me paraît illégitime pour les forts ; ils ont tous les droits y compris celui de forfaire au droit, établi pour la sauvegarde des médiocres. Mais ce qu’on nomme crime ou délit a l’inconvénient d’isoler ; or l’isolement affaiblit. C’est pour avoir compris cela que je suis resté sur la limite de ce que la lâcheté et l’intérêt ont taxé d’honneur et de déshonneur. Oui, je suis capable de tout ; mais, jusqu’ici, je ne suis coupable de rien. Commencez-vous à comprendre pourquoi on parle de moi ainsi qu’on le fait ? Les jolis messieurs corrects qui vous offrent le bras pour aller à table, et qui sont purs de toute vilenie parce qu’ils sont inaptes à rien désirer avec violence, sentent en moi le vouloir redoutable et soupçonnent que je puis bien être un bandit. Nul d’entre eux pourtant n’a pu vous citer un fait précis qui me déshonorât ; c’est que ce fait n’existe pas.

— Jusqu’ici ! Mais demain ? dit Jacqueline.

— Demain ! Oui, sans doute… Demain, qui sait ?…

L’obstacle entre moi et mon désir doit céder ou bien…

— Ou bien ?

— Ou bien, par tout moyen noble ou ignoble, j’en triompherai… Si je ne vaincs pas, je crèverai… Qu’importe ? Mais non ! Jamais rien de ce que j’ai voulu ne m’a résisté.

— Vraiment ! dit Jacqueline.

Et sa voix traîna sur le mot avec une ironie hautaine.

Les paupières de Marken battirent comme sous la menace d’un coup au visage.

— Il me semble, dit-il, que je suis allé trop loin et