Page:Vontade - La Lueur sur la cime.pdf/250

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vraiment ma femme… Sa beauté m’a trompé, et puis aussi le mirage qui l’entourait… Je l’ai vue pour la première fois à Rome, une nuit d’été sèche, claire, silencieuse, dans un de ces jardins qu’il y a là-bas et où le cœur s’affole aux suggestions du passé. Elle est sortie d’une charmille noire, nu-tête, en robe blanche, et a marché dans le large clair de lune jusqu’au bord d’un bassin qui pleurait goutte à goutte. J’étais ivre de cette nuit, des odeurs amères et chaudes, de l’incitation à vivre qui sort de la terre miraculeuse. Il m’a paru que c’était l’âme amoureuse de la cité qui venait à moi… J’ai cru l’aimer, et j’ai eu un tel espoir de joie, que pour retrouver cette sensation première, je me suis contraint par la suite à ne rien voir de sa sottise, de sa vanité, de son inaptitude même à être belle avec sa beauté. Je voulais ressusciter cet instant de prestige où je l’avais confondue avec ma puissance de désirer… Je me suis obstiné… Voilà toute l’histoire ; elle est très simple, et très sotte comme vous voyez.

— Évidemment, on a tort de s’entêter dans une erreur ; mais, quand on l’a faite, le mieux est d’en supporter les conséquences sans se plaindre.

— Je n’ai pas coutume de me plaindre. Je ne parle jamais de moi à personne. Et je m’excuse de cette infraction à mon système.

— Vous êtes tout excusé… J’avais remarqué déjà, en effet, que vous n’aviez pas le goût de vous expliquer à autrui.

— À vous, en particulier. Je souhaite ne pas vous ennuyer et je vous déplais assez déjà…

— Qui vous le fait croire ?

— J’ai vu souvent la répulsion que je vous inspire,