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— Toujours ton goût de faire souffrir… Tu n’es pas changée !

— Ni toi. Je vois que tu as encore les larmes près des paupières. Et, sans doute, la même faculté d’oublier vite ce qui t’a fait pleurer.

Du bout de son gant, madame des Moustiers sécha l’angle de ses yeux ; puis, la voix un peu sourde :

— Combien de temps restes-tu à Bayreuth ? demanda-t-elle.

— La fin du Ring, Parsifal, le Vaisseau et le Ring encore une fois.

— …Dix jours ! Nous aurons le temps de causer… si tu veux bien.

— Certainement je veux bien ! Je me suis décidée à t’approcher, parce que j’ai un stupide désir de tourmenter mes vieilles plaies. J’ai cru d’abord, en te voyant, ne sentir que ma rancune ; je me trompais : j’ai aussi de la curiosité. Es-tu heureuse ?

— Est-on jamais heureux ? Pour l’instant, je suis troublée jusqu’au fond de moi-même. Voilà tout ce que je puis te dire. Il y a de la peur dans mon plaisir. C’est probablement très simple que nous nous rencontrions ici… Je n’arrive pas à me le persuader. Il me semble que c’est extraordinaire et un peu terrible… Je suis émue comme si je venais d’assister à un de ces accidents qui déterminent l’avenir… Au moment où tu m’as abordée, j’étais dans une disposition si étrange ! Ce premier acte de Siegfried m’exalte. Mais c’est autre chose que la griserie musicale, cette agitation qui m’a fait laisser là mon mari et l’amie qui voyage avec nous… Comment te dire ? Je sentais en moi un incroyable tumulte, comme si