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phrases échangées la veille du départ. Il lui déplaisait vivement alors, elle croyait sentir, sous son admiration, le dédain d’un être fort pour sa faiblesse de femme. Et le soir du dîner chez les Audichamp, quelle sincère irritation il lui avait donnée en révélant ses espionnages ! Venant de tout autre, les mots qu’il disait auraient signifié l’intention précise de lui faire la cour ; mais il y avait un peu de haine dans l’âpreté de l’accent, elle s’en souvenait bien. Au premier abord elle s’était demandé s’il voulait avoir ses secrets, puis lui faire peur afin de se servir d’elle comme d’un moyen vers quelque ambition. Ensuite, pendant des mois, trop fortement requise par ses émotions personnelles, elle n’y avait plus songé. Vivant un peu à l’écart, elle ne l’avait guère rencontré. Dans l’hiver suivant, ils s’étaient retrouvés. Il gardait les mêmes façons exagérément respectueuses sous lesquelles l’insolence demeurait perceptible. Il s’abstenait de toute flatterie. Souvent elle le sentait dénigrant. Quand ils étaient ensemble dans un salon, et qu’un homme prenait vis-à-vis d’elle une attitude de galanterie, elle se tournait instinctivement vers Marken, sûre de trouver sur sa figure une expression de moquerie méchante qui l’irritait. Elle le dédaignait, et pourtant elle y pensait souvent. Il l’occupait comme un problème obscur. Elle en avait entendu raconter de mauvaises choses, et elle voyait toutes les portes s’ouvrir devant lui ; ceux-là qui le définissaient « un homme taré » le flagornaient sans mesure. Si c’était vrai pourtant ce qu’on disait ? Mais comment alors aurait-il trouvé pour lui servir de témoins dans un duel récent deux hommes classés dans