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— Alors… vous étiez l’amant de Singly en même temps que mon mari ?

— Oui, en effet, madame. Monsieur des Moustiers a commencé de s’intéresser à elle, une quinzaine de jours avant notre séparation, répondit Marken.

Il y eut un court silence. Jacqueline examinait la tête de femme, penchée, songeuse et qui lui ressemblait tant.

— Et vous avez pris toute cette peine, — c’est vous qui dites que c’en était une, – pour avoir un tableau que vous jugez mal peint ? C’est assez bizarre, fit-elle au bout d’un instant.

Elle cessa de s’occuper du tableau et se regarda dans la profondeur liquide d’un miroir encadré d’ébène.

— Je prends toujours la peine qu’il faut, pour aller au bout de ma volonté, répondit Marken avec un imperceptible mouvement qui le redressa.

Elle tourna les yeux vers lui. L’intérêt qu’il lui inspirait parfois, pour un instant, venait de se ranimer. Cette phrase qu’il avait prononcée lui donnait la sensation presque physique de l’énergie totale de cet homme. Marken continua :

— Je ne regrette rien, d’ailleurs. Ce tableau m’est l’occasion de très beaux plaisirs. Comme la vie ne me donne pas grand’chose, je me suis entraîné à la patience en développant ma faculté d’imaginer. Cette dame dans ce cadre m’appartient et je lui ai enseigné à me comprendre. Quand je ne peux pas dormir, et c’est souvent, – la nuit irrite ma volonté de telle sorte que je n’y trouve aucun repos, — je m’installe là, et je regarde dans ces yeux pleins de ténèbres