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pour la connaître au sens biblique de la parole. Ah ! ça a été sévère ! Je ne sais pas de femme plus foncièrement cabotine, chiquée, toc et assommante que cette petite-là ! Mais il le fallait, n’est-ce pas ? Il ne s’agissait en rien de mon agrément dans cette affaire. Lorsque notre intimité m’a permis de lui parler clair, je lui ai expliqué que je voulais ce tableau, et que je lui organiserais dans la presse une réclame éhontée, si elle décidait son vieux monsieur à me le vendre. Elle a fait de son mieux, nous a mis en relations, a dit que je désirais la tête et qu’elle avait intérêt à me ménager. Ça n’a pas pris, le vieux misérable ne voulait rien entendre. Alors j’ai fait du chantage, en toute simplicité. J’ai déclaré à ma belle amie qu’elle avait à choisir, entre décider Dalton ou être éreintée au lieu d’être louée. Cette enfant a le sens pratique ; elle a donné un grand effort. Sur mon conseil, elle a feint de croire que cette étude rappelait à Dalton un ancien amour, et qu’elle en était jalouse ; elle a fait des scènes de hurlements. Le gros bonhomme n’a pas résisté à une telle marque de passion, et il m’a cédé mon tableau pour le double de ce qu’il lui avait coûté. J’ai lâché la personne, après lui avoir fait passer des notes dithyrambiques partout. Et voilà comment Paris étonné a su qu’il possédait en Jane Singly la plus éblouissante fantaisiste qui fût. C’est à des causes de cet ordre que tient la gloire, madame.

— Ah !… c’était mademoiselle Singly !… Et à quelle époque se passait cette histoire ?

— Janvier, février 1900, madame ; quelques mois après ce voyage d’Allemagne où j’avais eu l’honneur de vous rencontrer.