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— Non ! Je suis ici depuis avant-hier, j’ai déjà entendu l’Or et la Walkure.

— Tu ne m’avais donc pas encore vue ?

— Si.

— Pourquoi n’es-tu pas venue tout de suite, alors !

— Je craignais de t’importuner.

— Léo ! je t’en supplie ! Je suis tellement bouleversée !… Quand je t’ai entendue dire mon nom, j’ai eu un choc… Tu ne peux pas savoir. J’ai reconnu ta voix à l’instant même. Il m’a semblé que le passé m’empoignait aux épaules, mon cœur d’autrefois a sauté dans ma poitrine. Les choses que je regardais se sont disloquées comme un décor qu’on ôte, j’ai vu le jardin du couvent… Te souviens-tu ?…

— Oui, oui ! J’ai la mémoire très nette… Ne nous attendrissons pas, veux-tu ? Je déteste la sensiblerie. La vie m’a durcie, depuis le temps où nous avons cessé de nous écrire.

— Pauvre toi ! Tu me raconteras ? Mais au fait… Qu’est-il arrivé pour que nous n’écrivions plus ?… Je ne me rappelle pas. Ça paraît inexplicable… fou !

Mademoiselle Barozzi serra les paupières, comme aſin de mieux voir quelque objet lointain ; son froid et magnifique visage prit une expression d’ironie.

– Il est assez plaisant, dit-elle, que ce soit moi qui doive te renseigner sur la raison de tes actes ! Tu n’as plus répondu à mes lettres dès que tu as été mariée. Je suppose que tu étais requise par de plus puissants intérêts, – l’amour, ou des soirées ? — qui ne te laissaient pas de temps pour cultiver notre amitié de petites filles, c’est parfaitement naturel.