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— Est-ce que vous savez les mobiles de vos actes, vous, madame ? Vous avez bien de la chance ! Il me serait impossible de vous dire pourquoi j’ai tenu à avoir cette tête. Mais j’y tenais bien… Vous me prendriez en pitié si je vous racontais tout ce que j’ai fait pour me la procurer.

— Dites toujours. Ça m’amusera peut-être de vous prendre en pitié.

— Je n’en doute pas. Eh bien, voilà. J’ai vu ce tableau chez un marchand de la rue Laffitte, un jour que j’avais mal à la tête. Quand j’ai mal à la tête, je suis hors d’état de résister à mes désirs. Je suis entré, j’ai demandé à acheter la toile. On venait de la vendre à Dalton — vous savez le vieux Dalton qui est si riche et qui a de si beaux tableaux, bien qu’il n’entende rien à la peinture. – Il n’y avait pas à prétendre lui racheter celui-ci ; il tient d’une manière frénétique à tout ce qu’il possède. Cependant, comme j’étais résolu…

— Qu’avez-vous fait ?

— Ce qu’il fallait. Je me suis renseigné sur cet individu, supposant avec sagacité qu’il devait avoir quelque vice dont je pourrais me servir. J’ai appris qu’il était l’amant d’une petite actrice. Alors, vous comprenez, j’étais sauvé.

— Non, je ne comprends pas.

— C’est que vous n’avez pas l’instinct de l’intrigue, madame. Quand un homme de soixante-cinq ans a une maîtresse de vingt, on peut toujours parvenir à lui faire faire ce qu’on veut, ainsi que l’événement l’a démontré. Je connaissais la demoiselle, comme je connais toutes les théâtreuses ; je me suis arrangé