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Jacqueline avait envie de s’en aller sous un prétexte de discrétion, mais à l’attitude de Marken, elle vit qu’il la soupçonnait d’avoir peur de lui et elle décida de rester.

— Puis-je voir madame Marken ? demanda-t-elle.

— Puisque vous le voulez bien, je vais vous conduire auprès d’elle… Excusez-moi de vous faire traverser ma chambre : il n’y a pas d’autre chemin.

Jacqueline le suivait. Elle regarda curieusement la pièce où elle venait d’entrer. La coloration en était obscure et riche ; de beaux meubles hollandais aux architectures lourdes, aux détails compliqués, se dressaient le long des murs, des traits fins de lumière pinçaient le bord des moulures d’ébène que le temps avait polies ; les panneaux de noyer d’un beau ton rougeâtre luisaient ; des cuivres lisses avaient des préciosités d’orfèvrerie. Sur une table, un orchis jaune penchait au col étranglé d’un verre de Venise. Il y avait là une odeur de tabac d’Orient, amortie par des fraîcheurs d’essences diverses. Dans un angle vivement touché par la lumière, Jacqueline découvrit, au-dessus d’une grande table sculptée, une tête de femme, peinte à la détrempe, et qui lui ressemblait de telle sorte qu’elle s’en approcha, et dit en la désignant :

– Est-ce un portrait ?

Marken eut un moment d’embarras, puis répondit avec beaucoup d’indifférence :

— Non, c’est, je crois, une étude faite de chic par un peintre espagnol très inconnu, et sans grand talent, comme vous pouvez voir.

— Pourquoi achetez-vous de la peinture que vous trouvez mauvaise ?