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— Les deux idées voisinent. L’argent, comme l’amour, représente la domination… La vie ne nous apparaît plus comme un cercle fermé, mais comme une spirale qui monte dans l’inconnu. On veut aller toujours plus haut. Cet appétit de l’excessif, augmente à mesure que la vie multiplie ses formes. Pour le satisfaire nous avons besoin de la notion tout idéale du crédit, qui étend le domaine des possibilités, comme nous avons besoin de pousser l’amour au delà de son objet… en plein rêve… Tout cela ne vaut pas les joies qu’on trouve, lorsqu’on a le don de la solitude… Dès qu’on se mêle aux hommes, il faut posséder et vaincre. On devient mauvais… Chaque jour, j’admire davantage les âmes fines qui s’isolent dans l’ascétisme et la vision, comme faisait notre Werner… Puisque nous devons peupler l’espace avec les fantômes de notre imagination, n’est-ce pas plus pratique d’adorer le bon Dieu à grande barbe, fâché ou aimable selon le cas, et d’utiliser l’effort qu’il faut faire pour ne pas mourir, en se donnant la tâche de conquérir une éternité confortable ?

— Pas nécessaire ! Le bien accompli paye tout de suite l’effort qu’il coûte.

— Non, grande amie ! sans cela, vous seriez heureuse, et vous ne l’êtes pas. Pourquoi cela vous fâcherait-t-il, ce que je viens de dire ?

– Mais ça ne me fâche pas du tout !

— C’est que… vous avez rougi, et que je ne vous ai jamais vue rougir que de colère. Et puis vous avez une figure si étrange !

— Non, je vous assure, j’ai été seulement un peu surprise de vous entendre m’appeler « grande amie » ;