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réel dans leur existence. Au moins, j’en ai l’impression. Il y a un grand luxe chez eux, madame Marken s’habille chez Doucet, lui a des automobiles ; l’appartement est trop petit pour le nombre des domestiques qui y circulent. Ils donnent des dîners extravagants. Marken doit dépenser des fortunes chez les fleuristes. On voit chez madame Steinweg des corbeilles invraisemblables envoyées par lui ; chez Jacqueline aussi, du reste.

— Il lui donne des fleurs ? À quel propos ?

– Sans aucun à propos… Comme ça. Je me souviens d’avoir entendu André… monsieur des Moustiers, s’en étonner comme vous. Marken a inauguré ce système, un jour de musique chez madame Steinweg. Jacqueline avait fait un compliment du panier d’orchidées qui était là, et tout de suite Marken a dit : « Vous permettrez peut-être, madame, à la fleuriste qui a arrangé ces fleurs — je la protège, elle est très intéressante, pauvre femme ! – de vous envoyer parfois des bouquets ? » Ça avait l’air du coup de la recommandation, d’un tapage de charité. Jacqueline a répondu : « Oui, donnez-moi son adresse, je m’en occuperai ». Le soir même, elle a reçu un monceau de roses entortillées de tulle noir ; c’était joli, du reste. Depuis, ça a continué. On n’y fait plus attention. Il doit agir ainsi avec toutes les femmes qui le reçoivent… Et, pour commenter ces façons somptueuses, on rencontre dans son antichambre des têtes d’huissiers et d’usuriers ; je connais ces gens-là, j’en vois souvent, ils ont un regard acide qui ne trompe pas. Quelque-fois, pendant les leçons, auxquelles il assiste toujours, le valet de pied vient dire à Marken : « C’est la per-