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portraits d’actrices, dont les peintres songent à rendre la célébrité évidente.

Tout en jouant, Léonora s’arrêta devant le plus grand de ces tableaux. C’était dans un paysage bleuâtre, une Iseult agitant l’écharpe qui suscite Tristan du fond de la nuit amoureuse. La jeune fille examina la peinture avec une attention roidie, comme si elle y eût découvert quelque singularité, puis elle reprit sa marche, attaquant d’un archet plus violent les cordes de son instrument.

Le timbre électrique de l’entrée vibra. Léonora précipita son exercice. Elle tournait le dos à la porte, lorsque sa bonne, une fillette bossue à regard de chien passionné, introduisit André des Moustiers. Mademoiselle Barozzi se retourna.

– Excusez-moi, l’infernal tapage que je faisais m’a empêchée de vous entendre.

— Laissez-moi vous remercier encore d’avoir consenti à me recevoir, dit André, qui avait une façon de mélancolie discrète très seyante. Je suis découragé, terriblement.

Léonora, sans répondre, indiqua un siège ; elle se mit à ranger son violon avec beaucoup de soin.

— Je crois que vous n’avez pas vu Jacqueline depuis jeudi. Mais, comme vous êtes revenues ensemble de chez madame d’Audichamp je n’ai sans doute rien à vous apprendre sur tout cela.

— Oui, elle m’a dit.

— Je ne sais si je puis parler librement d’un tel sujet avec une jeune fille ?

— Je ne suis pas jeune ; j’ai vingt-huit ans. Et mes susceptibilités se sont émoussées au contact des