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— Que voulez-vous que je fasse ? demanda-t-elle. Faut-il décidément pardonner ?

— Non !

Il posa sa tête sur l’épaule de Jacqueline, et le dangereux silence appuya l’un à l’autre leurs cœurs indécis.

Jacqueline goûtait le plaisir suspendu d’un demi-engourdissement analogue à celui où, sous une chloroformisation légère, on perçoit comme de loin une grande douleur un moment interrompue. Elle n’osait peser sur ses pensées. Cette minute d’anxiété délicieuse lui donnait, totale, la sorte de joie dont elle avait senti le besoin si vif à l’aube, dans sa solitude amère et brisée. Mais cela allait finir. Après ?… Elle cesserait de sentir sur sa poitrine l’émouvante tiédeur de ce front, elle s’en irait… Qu’adviendrait-il d’eux ? Ils étaient si loin l’un de l’autre !… Eh bien, qu’importait cela ! Ce n’était pas seulement sa vie conjugale qu’avait rompu la trahison d’André, mais aussi tous les liens conventionnels. Erik valait plus qu’aucun des hommes qu’elle eût jamais rencontrés et c’était justement parce qu’il était libre, au-dessus de tout préjugé, qu’elle était venue à lui ; et il l’aimait, combien il l’aimait ! À sentir battre contre elle la vie chaude du jeune homme, elle percevait que c’était elle-même, cette vie-là, qu’elle circulait en lui avec son sang, heurtait dans son cœur, naissait avec la pensée dans son cerveau. Ne serait-ce pas beau qu’elle aussi l’aimât, au mépris de toute conséquence : en liberté ? L’héroïsme monta vers son front en vague brûlante. Elle respirait en même temps que l’arome des violettes l’odeur de fourrure fine des cheveux d’Erik ; elle se pencha