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homme aussi avec sa laideur sensitive, son regard lointain où sans cesse la volonté déplaçait un rêve, le secret qui l’entourait, tout cela s’unifiait en une harmonie puissante, agissait sur elle à la manière des musiques langoureuses qu’on écoute sous les arbres, les soirs d’été. Une fatigue enchantée l’avait prise, elle souffrait moins, elle se rappelait seulement avoir beaucoup souffert jusqu’au moment où elle s’était assise sur cette chaise de paille, dans cette pièce sereine, en face d’Erik Hansen qui l’aimait « follement… mortellement ».

Elle se savait en sûreté, et cela lui faisait une âme très claire. Elle pensait des choses nobles et un peu vagues sur la beauté des vies vouées à la pure idée… Lequel, parmi les hommes qui l’avaient aimée, n’eût déjà été bouleversé, impatient, avide de sa propre joie, négligent de sa peine à elle ? Lui, n’avait vu que ce qui pouvait la compromettre, dans cette démarche. Il était bien de cette race songeuse et tendre dont les émotions poussent en grandes racines, pénétrantes et enchevêtrées. La scène du petit salon turc repassa sur sa mémoire avec des vulgarités de basse enluminure ; elle regarda Erik pour se rafraîchir les yeux d’une belle image. Il attendait qu’elle parlât.

— Je suis très malheureuse, dit-elle. Que faut-il faire ?

Erik marcha vers la fenêtre, appuya son front à la vitre, et répondit :

— Pardonner.

— En quoi cela consiste-t-il ? on ne peut pas oublier. Voulez-vous dire qu’il me faut éviter les scènes et les reproches ?