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— On n’a pas le droit d’écouter à la porte des âmes. Attendez que je vous en aie prié, pour rechercher ce qui se passe dans la mienne ! répondit-elle brusquement.

— Il y a une heure je comptais faire ainsi ; mais…

— Comme vous avez bien joué, ma chère petite ! Quelle musicienne !

C’était madame d’Audichamp qui arrivait avec une impétuosité de frégate sous le vent. Jacqueline entendait moins les paroles que l’accent, et cet accent pitoyable et affectueux disait : « Ma pauvre enfant, je suis bien ennuyée de toute cette affaire-là. »

Elle se cambra comme sous un outrage, et se mit à parler de Franck avec des mots exacts et un enthousiasme surexcité. Elle regardait madame d’Audichamp, dont l’ancienne beauté conservait de la pompe, à la manière des cultes surannés, au sens aboli, et où demeurent pourtant les fastes rituels. Elle avait su garder l’amour de son mari, cette vieille femme ! Comment fait-on cela ? Jacqueline croyait sentir les larmes qu’elle refoulait lui couler dans la gorge.

Les complimenteurs abandonnaient Léonora pour s’asseoir, afin de subir un nouvelle épreuve musicale : madame Steinweg se préparait à chanter des airs russes. André s’approcha de mademoiselle Barozzi.

— Je savais que vous aviez du génie, dit-il avec tant de simplicité que Léonora reçut l’éloge sans protester. Si vous pouviez vous douter du bien et du mal que vous venez de me faire !…

Elle détourna la tête en répondant :

— Cette sonate est merveilleuse.

— Oui, mais… vous ! Combien je voudrais que vous fussiez mon amie !