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— Peux-tu m’accompagner ?… ou bien ?… dit Léonora.

— Que vas-tu jouer ?

Elle forçait sa figure au calme.

— La sonate de Franck. Tu la connais, naturellement ?

— Oui… je l’ai jouée avec Viardot il y a très peu de temps. Dis-moi tes mouvements.

Elles allèrent au piano ; et Léonora, tournant les pages, donna des indications brèves. Elle avait posé sa main gauche sur le bras de Jacqueline et le serrait avec force comme si elle eût voulu la pénétrer de quelque véhémente émotion.

— Crois-tu être en état de jouer dit-elle. Tu trembles tant ! Tu souffres ?

— À en mourir… ou à tuer, répondit Jacqueline. Mais comment comprends-tu ? Tu savais donc, toi aussi ?… Comme tout le monde… Mais oui, tu m’as dit tout de suite… Tu te rappelles ce que tu m’as dit dans le parc de la margrave ?…

— Prends garde, ne parlons pas maintenant… Ça nous bouleverserait trop.

— Bonne chérie… Tu sens avec moi, comme moi ?

— Qui !

— Tu m’aideras ?

Jacqueline rencontra les yeux de Marken. Il sortait du fumoir en causant avec M. de Lurcelles, dont le rire s’arrêta lorsqu’il vit que madame des Moustiers l’avait aperçu. Elle se demanda si Marken devinait son angoisse. Tout de suite elle comprit que oui. Mais elle n’en fut pas irritée. Il n’y avait pas de pitié, au moins, dans le regard de celui-là.