Page:Vontade - La Lueur sur la cime.pdf/180

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ébauchait un geste de protestation contre ce qu’elle allait dire, cette main expressive dont elle connaissait la caresse… Une honte, le sentiment d’être nue, souillée, ranima sa rage qui défaillait déjà dans le besoin des larmes. Tournée vers Maud, elle dit :

— Vous pardonnez qu’on vous préfère mademoiselle Singly… Comme vous êtes bonne, au fond !

Elles se regardaient, et, sur les figures de ces mondaines expertes à nuancer leurs expressions, il y eut, un moment, la grosse fureur simple qui chauffe les visages aux disputes du trottoir. Elles se taisaient, étouffant ces paroles qui assouviraient un peu, mais qu’on ne dit pas, parce qu’on cherche plus loin la parole plus forte et suffisante qu’on ne peut trouver, car, après toutes celles qui viennent à l’esprit, il en faudrait une autre, puis une autre encore, toujours plus précise et plus atroce, jusqu’à ce point de la crise, où on cesse de penser avec des mots pour goûter l’horreur et le plaisir du tourbillon de folie qui vire et siffle dans la tête.

— Ne soyons pas grotesques, dit Maud, entre ses dents rejointes.

— J’allais vous en offrir le moyen, riposta Jacqueline. Je suis venue ici parce que j’ai entendu madame d’Audichamp raconter à son gendre qu’elle avait surpris votre… dispute. Ils plaisantaient agréablement sur vous. Madame d’Audichamp, un peu choquée que ce fût chez elle que vous fissiez ce qu’elle appelle vos scènes de faux ménage, a chargé monsieur de Lurcelles de venir vous interrompre… J’ai pensé qu’il valait mieux que je prisse ce soin. Rentrons ensemble dans le salon… Excusez-moi d’avoir dérangé vos