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là que Pierre Daussai lui avait, la première fois, dit qu’il était épris d’elle. En marchant, elle pensa à lui, une minute. Puis il tomba de son esprit comme un objet qu’on lâche et dont la chute ne bruit pas. Elle allait vite. Elle n’entendait rien. Elle arriva devant la porte.

Cette vision la pénétra comme une coupure ; il lui sembla qu’elle saignait en dedans. La forme rose de Maud sur le divan, André à genoux, un mince rayon de lumière patinant sur le soulier en drap d’argent, éclaboussant le bijou qui fixait une jarretelle… Jacqueline avait eu comme un choc à la face. Elle percevait leurs deux souffles, aussi nettement que si elle eût été assez proche pour en sentir la chaleur alternée. Confus et précis, tous ses souvenirs de volupté se réveillèrent dans sa chair révoltée et la traversèrent d’une grande onde poignante, aussitôt transformée en une torture qui des flancs lui monta au cœur. Elle se revêtit de souffrance comme si quelque prodigieuse crampe eût noué tous ses muscles. Puis elle cessa de sentir, pour se mettre à penser : et cela fut pire.

Elle eut une plainte sourde. En un instant, tous deux furent debout. Jacqueline ne regardait qu’André, sur le visage duquel le désir s’achevait en inquiétude. Il se reprit très vite.

— Vous voilà, chérie ! c’est gentil de venir nous retrouver.

La gaucherie de la phrase et de l’attitude ajoutèrent l’irritation du ridicule à ce qu’éprouvait Jacqueline ; elle dit d’une voix détimbrée :

— J’étais là depuis un instant.

Ses yeux se fixèrent à la main d’André qui déjà