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Allez-y, mon bon René, je vous en prie. Arrivez en chantant la Valse bleue, en sifflant, en imitant le chant du coq, ou en jetant des chaises par terre… Faites du bruit, enfin… Qu’ils aient la bonté de comprendre qu’ils ne sont pas seuls dans la maison. Car enfin Jacqueline pourrait aller par là. Voyez-vous l’histoire ? Quel air ça aurait ! Cette pauvre petite…

— Soyez tranquille, je vais aller les déranger avec éclat. Ce n’est pas très hospitalier ; mais, puisque vous y tenez… Le temps de mener les hommes au fumoir, de leur donner des cigares. Ils ont peut-être fini, d’ailleurs, ces tourtereaux enragés…

Ils étaient sortis tous les deux. Jacqueline restait sans bouger, la taille pliée, les mains jointes sur ses genoux. Elle regardait fixement le point aigu d’une lampe électrique. Pendant un moment, elle ne pensa pas. Sa conscience refusait de se laisser pénétrer par une chose dangereuse qui était là tout près d’elle. Les mots tournaient dans sa tête sans évoquer d’idées : Maud, André, le petit salon de la galerie. La vision d’Erik Hansen mourant sur l’échafaud se dégagea soudain et, autour d’elle, toutes les images se raccordèrent à l’instant. Jacqueline toucha ses joues froides avec des mains molles, et la notion de son être physique se ranima au cinglement d’une si incroyable douleur qu’elle serra son mouchoir sur sa bouche. D’une saccade, elle se dressa. Un frisson persistant la parcourait ; elle contracta ses mâchoires pour interrompre ce petit bruit affolant qu’elles lui faisaient dans la tête en claquant ainsi. Elle sortit par la porte qui donnait sur la galerie. Elle connaissait bien le petit salon turc, peu éclairé, presque toujours vide. C’était