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Quelqu’un ayant parlé du Pacifique, la conversation eut un ressaut. Dans la hâte d’exprimer de patriotiques inquiétudes, chacun coupait la parole à son voisin. On flétrit d’un commun accord tous les peuples anglo-saxons.

— Exécrables nations de marchands égoïstes ! s’écria le général de Troisbras.

— Oh ! mon Dieu, dit Barrois il faut avouer que les peuples ne sont ni bons ni mauvais. Tout n’est que moment et circonstance. Et les circonstances ne sont pas créées d’une pièce et soudainement par la tendance maîtresse d’une nation. Elles naissent lentement, fragmentairement, sans que leurs milliers de causes nous soient connaissables… Général, vous qui êtes un savant joueur d’échecs, vous n’ignorez pas ce qu’on entend par ce terme : la force de l’échiquier ? C’est le résultat, soudain apparu, de coups joués longtemps avant et qui ont semblé insignifiants à ceux-mêmes qui les risquaient. À un moment donné pourtant, les suites de ces petits coups, dont on se souvient à peine, déterminent une situation contre laquelle on ne peut plus lutter. C’est comme si des combinaisons qui se seraient faites latéralement à celles des joueurs, envahissaient l’échiquier, primant tout. Les jeux de la politique subissent de ces aventures, dont en justice on ne sait à qui se prendre. Car il arrive que les joueurs, grâce à qui le mat se donne, soient morts jusque dans la mémoire des hommes. On a tort, par exemple, d’attribuer la responsabilité des guerres à ceux qui les déclarent. Les pauvres taupes de ma sorte qui dans leur laboratoire découvrent l’application d’une substance ou d’une force pèsent plus lourd souvent en