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Dès que Barrois se fut assuré que le dialogue établi entre madame d’Audichamp et le ministre avait chance de durer, il se tourna vers Jacqueline et dit à demi-voix :

— Je ne suis venu ici que pour vous voir.

— Vous avez quelque chose à me communiquer ? demanda-t-elle en regardant avec attention le marli doré de son assiette.

— Beaucoup de choses ! Je voudrais obtenir mon pardon. Vous avez été sévère pour moi. Ne pourrez-vous oublier le tort d’un instant ? N’aurai-je plus jamais votre amitié ?

— Vous m’avez rendue méfiante ; on ne peut aimer que ceux dont on est sûr.

— Vous ne devez pas aimer grand monde, alors ?

— On aime toujours peu de gens.

— Vous en avez trouvé qui, en rien, ne vous ont déçue ?

— Oui, je crois bien ! quelle question !

— Oh ! elle est plus naturelle que votre étonnement. Je voudrais vous entendre nommer ne fût-ce qu’un seul de ces types si honorables pour l’humanité.

— C’est facile !… Mon mari…

Barrois vida son verre en trois coups violents, ainsi qu’on fait, pour favoriser la déglutition d’un cachet médicamenteux de proportions exagérées. Il reposa le verre, s’essuya les lèvres, et, l’air détaché de toutes les contingences, reprit :

— Expliquez-moi l’idée que vous vous faites quand vous prononcez ces mots : être sûr de quelqu’un ? Je vous l’ai dit souvent, on gagne du temps en vérifiant