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— Elle est très belle, dit gravement l’attaché autrichien.

— L’air trop décidé, et puis elle doit être froide, affirma le général de Troisbras.

Et il donna du pli à sa moustache dorée par le cigare.

– Elle a une allure étonnante, dit le peintre Allemanne, mais elle manque de flexibilité. Croyez-vous qu’on puisse lui faire courber la taille ? Moi, j’en doute ? Je préfère cent fois madame des Moustiers, dont les gestes les plus vifs n’arrivent jamais à dessiner un angle.

— C’est bon ! c’est bon ! on sait votre admiration pour Jacqueline, inutile d’exciter notre jalousie, dit gaiement madame Steinweg.

— C’est vrai, je la trouve incomparable ! Vous savez qu’Hogarth avait fait incruster dans sa palette une arabesque en cuivre dans la forme d’un S ; c’était un memento et il l’appelait : ligne de beauté. Madame des Moustiers est cela : une arabesque vivante et mobile qui suggère toutes les possibilités de la beauté.

— Et vous, Lamare, que trouvez-vous de mademoiselle Barozzi ? demanda madame Steinweg au compositeur célèbre, qui, l’œil voilé, souriant à demi, écoutait d’un air de patience distraite.

— Elle est très charmante ; mais, pour moi, sa beauté disparaît devant son talent.

— Ah ! vous la connaissez ?

— Je crois bien ! Si vous lui entendiez jouer la chaconne de Bach… c’est à lui baiser les pieds !

— Tiens, les Marken ! Ils viennent donc ici maintenant ? dit madame Simpson avec un accent de surprise fâchée.