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— Je reviens. Le temps de dire bonsoir à une amie.

Elle s’éloigna, la figure plus vive.

– C’est la personne à qui madame d’Audichamp fait ses salamalecs pour ambassadrice ? La connaissez-vous, Maud ? Elle est splendide. Qui ça peut-il être ? Une déesse professionnelle ?

– Non, c’est seulement une violoniste, répondit madame Simpson. Elle s’appelle Léonora Barozzi, ou quelque chose d’approchant. C’est une sorte de folle, mal élevée au delà du connu, une amie de couvent à Jacqueline.

– Elle est… quoi ? vierge ? mariée ? divorcée ? veuve ? Sait-on ? Dieu qu’elle est belle ! Regardez-les toutes les deux ! Jacqueline a l’air d’une aquarelle persane, mise en français par Jean Goujon, et l’autre d’une statue grecque du ve siècle. Les femmes font bien d’être grandes, décidément ; Schopenhauer a raison : notre infériorité tient à ce que généralement nous avons les jambes trop courtes. Vous n’aimeriez pas avoir trois ou quatre centimètres de plus, vous ?

– Non ! Je me débrouille assez bien comme ça, merci… Vous voulez des renseignements sur cette Barozzi ? Elle n’est pas mariée, voilà tout ce que je sais. Quant à ses mœurs… à Bayreuth, où nous l’avons rencontrée, elle passait son temps avec un individu d’assez mauvaise mine. Elle fait des théories libertaires. C’est, je pense, une nihiliste en chambre. Je ne suis pas du tout de votre avis sur sa beauté ; moi, ces têtes régulières m’ennuient.

— Vous êtes difficile ! Voyons, messieurs, surgissez de votre silence et donnez votre opinion sur cette demoiselle Barozzi.