Page:Vontade - La Lueur sur la cime.pdf/144

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une petite voix de fantôme qui saurait des histoires démodées. Bien que la maison soit tenue à merveille, on s’imagine voir partout des poussières, faites de débris d’un temps déjà périmé, l’élégance des toilettes prend dans ce cadre des aspects de mascarade où les couleurs neuves et trop fraîches détonnent.

Après avoir quitté madame d’Audichamp et dit bonsoir à droite et à gauche, Maud Simpson alla s’asseoir à côté de madame Steinweg. La belle banquière, comme de coutume, était là sans son mari. M. Steinweg se recommande à l’estime des nombreux amis de sa femme par la persévérance qu’il met à être toujours en voyage ou grippé. On l’aperçoit aux grandes fêtes qu’il donne à l’aristocratie française, et, là encore, il sait faire apprécier son tact. D’une pâleur profonde, où s’avoue l’usage des poisons de joie, madame Steinweg est une de ces admirables israélites qui deviennent si laides à cette heure de la vie des femmes où les duchesses de sang aristocratique commencent à donner aux bourgeois l’impression d’avoir été « très bien » dans leur jeunesse. Mais, ce soir-là, personne ne songeait aux tristes possibilités que l’avenir réservait à cette pâle et magnifique dame. Avec une mollesse de fleur alourdie qu’un souffle va faire tomber de sa branche, elle gouvernait un cercle d’hommes, réduits au silence par l’admiration, et causait, d’une voix lente et moqueuse, en remuant doucement son collier de perles roses qui, noué à la taille, pendait jusqu’à ses genoux.

— Contente de vous voir, chère ! dit-elle à Maud ; ça va bien ? Qu’êtes-vous devenue depuis un mois ? Comment se fait-il que je ne vous aie aperçue nulle part ?