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l’Empire par l’éclat brun et rose de sa beauté, son esprit coupant et l’obstination excentrique de sa fidélité au somptueux hussard, qu’elle avait épousé bien qu’il fût sans fortune, séduite par la carrure de ses épaules, et ses larges yeux simples. Maintenu dans le devoir par la régularité d’un service conjugal dont, à ce que disent ses familiers, il n’a pas encore démissionné, M. d’Audichamp étonna la cour de Napoléon III et les salons des temps républicains par une constance dont il serait malaisé de citer beaucoup d’exemples. Ils font un ménage excellent où la galanterie un peu surannée du mari et la verveuse brusquerie de la femme s’emboîtent avec une précision parfaite. Leur fille unique a épousé le marquis de Lurcelles qui, fort passionné de politique et d’idées progressistes, a introduit dans le salon de sa belle mère quelques-uns des hommes qui gouvernent le pays. De telles fréquentations horripilent grandement M. d’Audichamp qui, depuis trente-quatre ans, ouvre chaque matin son Gaulois avec l’espoir d’y trouver la nouvelle d’un coup d’État effectué par des gens résolus pendant le sommeil de Paris.

La maison, à ceci près qu’on y voit de temps à autre des ministres sans leurs femmes, est restée ce qu’elle était sous l’Empire : un fastueux passage où, autour d’un groupe étroit de familiers, dont aucun ne saurait prétendre le titre d’ami, défilent les personnalités classées du monde, de la diplomatie, de l’armée, des académies et des arts. On y rencontre les ambassadeurs de toutes les puissances ; des archiducs y acceptent les fêtes données en leur honneur ; d’illustres actrices étrangères y dînent avec des duchesses. On potine