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Oui, je trouve les souffrances de la pauvreté plus totales que celles de l’amour et de l’ambition. On n’en guérit pas comme d’une passion, qu’une autre passion efface.

— Pourtant je vous assure que j’ai vu des vieillards, — un justement, hier, — si abrutis par l’habitude de manquer de tout et de ne pas espérer que, certainement, ils ne sentaient plus rien.

— Ne doutez pas que, pour en venir là, il lui ait fallu plus de temps que n’en mettent les vieillards qui mangent des truffes et entretiennent des danseuses pour oublier leur plus grand chagrin sentimental.

— Vous haïssez la richesse ?

— Je hais les riches… Les riches, ce sont « toujours les mêmes » comme ceux qui se font tuer. Acquérir — et surtout conserver — une fortune dans les conditions actuelles, exige un pouvoir de dureté et d’indifférence qui révolte le sens humain. L’abbé Werner, dont Léonora vous a si bien parlé, était riche lorsqu’il a perdu ses parents ; il est mort ruiné. Léonora, qui gagne beaucoup d’argent et qui a une tête de caissier, ne sera jamais riche…

— Pourquoi ne pas achever ?… Vous songez que je suis riche, moi… Je ne me suis jamais dit tout cela. Il semble si naturel que j’aie de la fortune. Il est certain que j’ai l’habitude de dépenser beaucoup d’argent… Mais si madame Dalizes fabrique des lingeries élégantes et chères, c’est que je suis là pour les porter. Mon luxe fait vivre ceux qui le produisent.

— Très mal. Il parvient très peu de votre argent à ceux qui travaillent pour vous, il s’arrête aux mains des intermédiaires… Il y aurait beaucoup à dire sur