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sage du fils aîné chez un menuisier. Il y a deux ans de cela ; il doit commencer à savoir quelque chose. Faites-lui faire des meubles grossiers que vous donnerez ensuite à d’autres ; ça lui remontera le cœur, à ce petit, de savoir qu’il aide ses parents au lieu de leur coûter. Et puis, madame Dalizes est une très bonne ouvrière. Commandez-lui des travaux. Il suffira, pour lui être utile, que vous lui donniez le quart de ce que vous demande votre lingère. La première des charités, madame, consiste à cultiver la fierté du pauvre. L’aumône démoralise, sème la haine et c’est logique. Songez-y : pour que le miséreux se sentît tenu à la reconnaissance, il faudrait qu’il vît le riche se gêner, se ruiner pour lui. Vos obligés aperçoivent le dilettantisme, la vanité ou la cruauté, sous cette bienfaisance qui consacre à leur soulagement une miette de son bien, une parcelle de son temps, un fragment de son émotion !… Puisque que nous parlons des Dalizes, je vais vous indiquer un cadeau que vous pouvez leur faire sans les offenser. Chargez-vous de l’éducation musicale du petit Paul. Léonora lui a fait commencer le violon et dit qu’il est très bien doué. Il est trop frêle pour les métiers rudes et, s’il est capable de faire une carrière d’artiste, il pourra dans l’avenir tirer sa famille du besoin. Voilà, madame, un peu au hasard, des indications. Tout cela vous coûtera plus d’efforts que de prendre un billet de banque dans votre porte-monnaie en assurant ces gens de votre sympathie à leurs maux, — que vous ne pouvez même pas comprendre. Cela vous ennuiera peut-être ?

— Pas du tout, mais je croyais qu’on sait la charité sans l’avoir apprise. Je me trompais.