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page ! que de musiques écoutées à demi en escomptant le plaisir possible du lendemain ! Tout ce qu’elle faisait lui causait un sourd malaise. Elle devinait que ces tentatives dont elle ne tirait que des impressions fugaces auraient pu lui donner du plus et du mieux, mais elle n’y atteignait pas. Elle avait la fatigue des surfaces, et trop d’impatience pour aller au fond. Les journées employées lui laissaient le même vide que les journées perdues. C’est à ce moment qu’elle s’était mise à chercher dans le flirt l’assouvissement sentimental qu’elle ne trouvait nulle part.

Toujours elle avait eu le goût de plaire, la conviction aussi que c’était une manière de devoir pour les femmes douées de sorte à y réussir. Amortie pendant ses fiançailles, sa lune de miel, sa maladie et son chagrin, cette disposition renaissait plus vive du centre de son ennui. Elle se retrouvait pareille à la toute petite fille qui, voyant des fiancés en visite dans le salon de sa mère, avait des larmes sous les paupières, à se dire que ce jeune homme épris et distrait ne songeait pas à elle. Quelle misère cela semblait, en cette minute où elle jugeait ses intentions avec l’inflexibilité d’une conscience nouvelle ! Combien elle se méprisait ! Sans scrupules, pour se distraire, elle avait pratiqué un donjuanisme tout psychique, car elle n’accueillait pas l’hypothèse d’appartenir à aucun des hommes qu’elle troublait savamment. Il ne s’agissait que de se procurer ce délicieux échauffement du cœur qui vient d’apercevoir la crainte du désir dans un regard jusque-là insoucieux et libre. Elle avait le dégoût délicat des mises en scène grotesques de l’adultère ; et, aussi, l’éducation reçue