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chaque abandon d’elle-même, et comment c’était l’occasion de réveils plus âpres de sa douleur. En retrouvant la sensation qui lui avait donné son enfant, elle revivait les détails de son agonie.

Elle disait tout cela à André avec des larmes et de la colère. Il avait fini par la laisser à sa solitude. Il était patient et bon. Mais il vivait hors de la maison. Qu’aurait-il pu faire d’autre ? Perdue dans l’égoïsme de son chagrin, avait-elle songé à ce qu’il éprouvait peut-être ? Elle le supposait consolé, qu’en savait-elle ? C’était grâce à son manque de courage et de tendresse qu’ils s’étaient ainsi éloignés, perdus ; et, lorsqu’elle s’était remise à vivre, ils n’avaient pas su se reprendre…

N’est-ce pas honteux qu’après de telles tortures on s’apaise, on rentre dans le cercle des êtres, on trouve un plaisir au jeu de l’existence ? Ç’avait été ainsi, pourtant ! Sans doute, c’est le vœu de la nature savante. Et si elle s’était consolée, c’est qu’il devait y avoir encore pour elle de belles besognes à accomplir. En ce moment elle se pardonnait le désir de sortir qu’elle avait eu un matin de printemps, plein de bruits et de flammes, et ces faims qui lui étaient venues ensuite, et les langoureuses joies de convalescence qui rafraîchissaient sa sensibilité. Il fallait que ce fût ainsi pour qu’elle redevînt elle-même ; ce n’était pas faiblesse de cœur, mais le contraire, cet amusement mélancolique qu’elle avait pris à revoir des amis, à ouvrir des livres.

La pensée du petit s’était installée en douleur sourde, constante, mais tolérable, coupée de retours spasmodiques, après quoi sa vigueur s’accroissait.