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rence, l’excuse de la maladie, ni, non plus, celle d’une tendresse trop vive pour son enfant…

– Vous vouliez dire quelque chose, Jacquelinette ?

– Non. Pourquoi demandez-vous ça ?

– À cause de la façon dont vous me regardiez. Ah ! voilà Pierre d’Althay ; je voudrais lui serrer la main, il part tout à l’heure… Vous permettez ?

– Oui, allez, allez !

Maud parlait ; Jacqueline, d’un hochement de tête, acquiesçait aux propos qu’elle n’écoutait pas.

Quel droit aurait-elle eu d’accuser André ? La faute était à elle seule. Elle n’avait été sa compagne que pour la joie, toutes les impressions graves l’éloignaient de lui : la souffrance physique, la maternité, puis, surtout, le désespoir atroce de la mort de son enfant. Il y avait là un grand espace noir et silencieux. Les jours se succédaient, tous pareils, sans qu’elle en perçût même le mouvement. Elle s’étonnait qu’on allumât les lampes, n’ayant pas su que la nuit tombait ; au matin de ses insomnies, elle ne comprenait pas que ce fût l’aube qui bleuissait les rideaux. Tous ses sens se défendaient contre la vie ; le goût des aliments la révoltait ; elle s’évanouissait en respirant le parfum des fleurs qu’André apportait ; un orgue sur le trottoir, ou les arpèges égrenés d’un piano voisin la faisaient sangloter. Pendant des mois elle avait voulu être seule, ne pas parler, fermer les yeux… Parfois, le soir, André venait avec des mots tendres, il restait là malgré sa prière… Et, comme aux parfums et aux sonorités, son cœur et son corps se refusaient. Elle se souvint avec un peu d’amertume de cette irritation de toutes ses fibres à