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l’attention soudain tournée en dedans d’elle, cessa tout à fait d’entendre.

Comme on répète la syllabe qui doit susciter un nom oublié, elle se redisait les paroles d’André : « Pour posséder une femme qu’on désire »… C’était bien pour cela qu’il l’avait épousée ! Elle trouva un plaisir énervant à revoir les images du temps de ses fiançailles. André ne songeait pas à discuter avec elle de leur avenir. Il s’inquiétait de ses goûts en matière d’objets d’art, apportait des bijoux d’une invention recherchée, puis, dès qu’elle avait dit merci, il l’embrassait jusqu’à ce que, les nerfs bouleversés d’une émotion inconnue, et, le voyant devenir grave à force de désir, elle se persuadât d’être merveilleusement aimée, et d’aimer merveilleusement.

Ensuite, ç’avait été le voyage, les aspects renouvelés où traîne la distraction des regards pressés de se rejoindre, la pensée retenue par la joie récente ou tendue vers la joie prochaine, s’éparpillant sous l’énergie trop active des sensations. Ils n’avaient point eu de ces causeries où les cœurs s’élucident. Il disait, après les longs silences de lassitude ivre : « M’aimes-tu ? » d’un ton de prière et d’orgueil ; elle se jetait contre lui, cherchant l’énergie habile de ses bras, le goût de son baiser. Certes, elle ne songeait pas à répondre aux lettres de Léonora, elle ne songeait à rien, sinon à absorber sans en rien perdre la griserie du moment : Avide et fatiguée alternativement, la pensée flottante ; heureuse, en somme. Pourquoi le souvenir de tout cela gardait-il tant d’incertitude ?

— Oui, merci bien… et de la glace aussi…

Elle prit son verre, but, parut s’intéresser à l’ova-