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les mémoires : « Ils ne sont bons, disait-il, qu’à satisfaire la vanité de celui qui les écrit, et ne servent que trop souvent à donner une idée fausse des grands faits historiques, le narrateur les jugeant à son point de vue personnel, qui souvent est mesquin. Il se peut qu’en racontant des événements auxquels on s’est trouvé mêlé, on altère l’image d’un homme que l’histoire nous montre grande et pure, et qu’on dissipe l’auréole dont sa tête est ceinte. » Dans une de ses conversations le maréchal prononça les paroles suivantes, dont je pris note, et qui montrent bien l’élévation de son caractère : « Ce que l’on publie dans une histoire militaire reçoit toujours un apprêt, selon le succès plus ou moins grand qui a été obtenu, – mais le loyalisme et l’amour de la patrie nous imposent l’obligation de ne pas détruire certains prestiges dont les victoires de nos armées ont revêtu telle ou telle personne. »

Nous n’étions revenus à Creisau, au printemps de 1887, que depuis quelques jours, quand je lui reparlai de ce qui me tenait tant à cœur. À plusieurs reprises je le priai d’écrire ses souvenirs de la guerre de 1870-71. « Mais vous avez l’histoire de la campagne publiée par le grand état-major. Tout y est. Il est vrai, ajouta-t-il, qu’elle est trop détaillée pour le commun des lecteurs et trop technique ; il faudrait la remanier et s’en tenir à des extraits. » Je lui demandai la permission de mettre l’ouvrage du grand état-major sur son bureau, et le lendemain il commença le présent récit, tout en consultant le grand ouvrage, et il le termina sans s’arrêter dans son travail.