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rience qui ne sont pas synthétiques a priori, mais sont néanmoins créés par l’esprit, qui ne sont pas des définitions arbitraires, mais sont néanmoins des conventions ? Il était inévitable que Poincaré fût sollicité de préciser sa pensée. C’est ainsi qu’il a été amené à formuler — plus explicitement qu’il ne l’avait fait tout d’abord — ses idées sur l’intuition.

Henri Poincaré serait-il allé plus loin dans cette voie ? Aurait-il tenté de donner à sa philosophie de nouvelles bases psychologiques et même métaphysiques ? Cela est possible, cela est probable. Et cependant, telle qu’elle est, son œuvre se suffit : elle pose des points d’interrogation, mais, toutes les fois qu’elle affirme, il semble bien qu’elle puisse défier la critique et le temps, car elle s’appuie directement sur les faits. Grâce à la sûreté de sa méthode, Poincaré n’a jamais eu à revenir en arrière. Les philosophes ont eu beau inventer de nouveaux systèmes, et les savants découvrir de nouveaux phénomènes, il a pu rester sur ses positions, et sa doctrine n’a évolué que pour s’enrichir. Bien qu’il ne soit plus là, hélas ! pour la défendre, elle résistera sans nul doute aux assauts que lui réserve l’avenir.

Pierre Boutroux