Page:Volterra - Henri Poincaré l'oeuvre scientifique, l'oeuvre philosophique, 1914.djvu/23

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On n’a plus le temps d’attendre. La vie moderne, hâtive et tumultueuse, a envahi la demeure tranquille des savants. On publiait, il y a des siècles, de gros volumes ; c’était la synthèse de la pensée de toute la vie d’un homme. Cela n’a pas été suffisant pour le mouvement scientifique qui allait se développant. Les journaux scientifiques demandent aujourd’hui des mémoires, où les travaux sont publiés à mesure qu’on y travaille. Les comptes rendus des Académies, courts et rapides aperçus, sont survenus. On exprime en peu de mots toute découverte dès qu’on l’a entrevue. Le temps presse ; on craint qu’à la minute suivante la découverte ne soit perdue. Mais les communications des Congrès, qu’on n’a pas même le loisir de rédiger, ont dépassé en rapidité les comptes rendus des Académies et des Sociétés savantes. On veut savoir ce qu’on n’a pas encore fait. On dit ce qu’on espère trouver. On expose ce qu’on n’aura jamais le courage d’imprimer. Ce mouvement a créé un état d’âme particulier des savants et a transformé leur vie, leur manière de travailler et même de penser.

Il y a dans la vie scientifique moderne, telle que je viens de la présenter, de grands avantages. Le travail est devenu presque collectif.