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henri poincaré

génie le découvre, on comprend qu’il éprouve soudain un attachement passionné à la vie et qu’à la joie de son travail se mêle désormais la crainte de l’interrompre à jamais.

On conçoit la terrible angoisse d’Abel qui sentait la mort s’approcher tandis que personne de son entourage ne comprenait les idées qu’il voulait répandre et qu’il craignait à jamais perdues. On a la vision aussi des terribles moments que Galois a dû passer avant de se battre si l’on pense que quelques heures avant d’aller sur le terrain d’où il ne devait plus revenir il n’avait pas encore écrit une ligne, sur ses grandes découvertes.

Poincaré est mort au moment le plus brillant de sa carrière, en pleine vigueur. Son esprit était jeune, des idées originales et hardies jaillissaient de son cerveau. A-t-il eu la perception que le monde qui remplissait son intelligence allait s’écrouler d’un instant à l’autre comme le superbe château du Walhalla envahi par une flamme soudaine ? Personne ne peut le dire aujourd’hui. Je souhaite pour la paix de ses dernières heures qu’il n’ait pas vu la mort s’approcher, quoique les pages de son dernier mémoire soient assombries par de tristes pressentiments.

Son cerveau maintenant repose et peut-être