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dialogues philosophiques

J’ose dire que si ce raïa avait été infiniment persuadé de l’existence d’un Dieu infini, présent partout, infiniment juste, et qui doit, par conséquent, venger l’innocence opprimée, et punir un scélérat né pour le malheur du genre humain ; si ses courtisans avaient les mêmes principes, si tous les ministres de la religion avaient fait tonner dans son oreille ces importantes vérités, au lieu de parler des métamorphoses de Vitsnou, alors ce raïa aurait hésité à se rendre si coupable.

Il en est de même dans toutes les conditions ; j’en ai vu plus d’un triste exemple dans les pays étrangers et dans ma patrie.


LE JÉSUITE. — Ce que vous dites n’est que trop vrai, il faut en convenir, et j’en augure un bon succès pour l’objet de ma mission. Mais avant d’avoir l’honneur de vous en parler, dites-moi, je vous en prie, si vous pensez qu’il soit possible d’obtenir des hommes qu’ils se bornent à un culte simple, raisonnable et pur envers l’Être suprême ? Ne faut-il pas aux peuples quelque chose de plus ? n’ont-ils pas besoin, je ne dis pas, des fourberies de vos bonzes, mais de quelques illusions respectables ? n’est-il pas avantageux pour eux qu’ils soient pieusement trompés, je ne dis pas par vos bonzes, mais par des gens sages ? Une prédiction heureusement appliquée, un miracle adroitement opéré, n’ont-ils pas quelquefois produit beaucoup de bien ?