traîne les faibles dans l’incrédulité, et qui, en les irritant contre des choses incompréhensibles, leur puisse faire rejeter l’idée d’un Dieu que tout le monde doit comprendre.
LE JÉSUITE. — Comment donc, avec une doctrine
que vous dites si pure, pouvez-vous souffrir
parmi vous des bonzes qui ont une doctrine si
ridicule ?
LE MANDARIN. — Eh ! comment aurions-nous
pu déraciner une ivraie qui couvre le champ d’un
vaste empire aussi peuplé que votre Europe ? Je
voudrais qu’on pût ramener tous les hommes à
notre culte simple et sublime ; ce ne peut être que
l’ouvrage des temps et des sages. Les hommes seraient
plus justes et plus heureux. Je suis certain,
par une longue expérience, que les passions, qui
font commettre de si grands crimes, s’autorisent presque
toutes des erreurs que les hommes ont mêlées
à la religion.
LE JÉSUITE. — Comment ! vous croyez que les
passions raisonnent, et qu’elles ne commettent des
crimes que parce qu’elles raisonnent mal ?
LE MANDARIN. — Cela n’arrive que trop souvent.
LE JÉSUITE. — Et quel rapport nos crimes ont-ils
donc avec les erreurs superstitieuses ?