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dialogues philosophiques

un père ne chasse point ceux de ses enfants qui le saluent en faisant mal la révérence ; pourvu qu’il en soit aimé et respecté, il est satisfait. Les tribunaux de mon empire ne vous reprochent point vos absurdités ; ils vous plaignent d’être infatués du plus détestable ramas de fables que la folie humaine ait jamais accumulées ; ils plaignent encore plus le malheureux usage que vous faites du peu de raison qui vous reste pour justifier ces fables.

Mais ce qu’ils ne vous pardonnent pas, c’est de venir du bout du monde pour nous ôter la paix. Vous êtes les instruments aveugles de l’ambition d’un petit lama italien, qui, après avoir détrôné quelques régules, ses voisins, voudrait disposer des plus vastes empires de nos régions orientales.

Nous ne savons que trop les maux horribles que vous avez causés au Japon. Douze religions y florissaient avec le commerce, sous les auspices d’un gouvernement sage et modéré ; une concorde fraternelle régnait entre ces douze sectes : vous parûtes, et la discorde bouleversa le Japon ; le sang coula de tous côtés ; vous en fîtes autant à Siam et aux Manilles ; je dois préserver mon empire d’un fléau si dangereux, Je suis tolérant, et je vous chasse tous, parce que vous êtes intolérants. Je vous chasse, parce qu’étant divisés entre vous, et vous détestant les uns les autres, vous êtes prêts d’infecter mon peuple du poison qui vous dévore. Je ne vous plongerai point dans les cachots, comme vous y faites languir en Europe ceux qui ne sont pas de votre opi-